Gouvernance partagée - Présentation du fonctionnement en Direction Collégiale Volontaire

Article " Et s’il n’y avait pas de chef·fe ?" à propos du fonctionnement en Direction Collégiale Volontaire → https://movilab.org/wiki/Et_s%E2%80%99il_n%E2%80%99y_avait_pas_de_chef%C2%B7fe_%3F

Qu’est-ce que la gouvernance ?

La gouvernance est l’organisation du « faire ensemble ». Elle nécessite une structuration adaptée mais aussi une culture partagée. Par structuration, on entend les processus de prise de décision – qu’on peut aussi appelée la méthode – qui sont mis en place au sein d’une organisation collective. Le terme de culture partagée désigne quant à lui le cadre de valeurs, les objectifs et les habitudes de communication implicites et explicites qui s’y développent. La culture interne à une organisation est bien entendu influencée par la culture propre aux membres qui la développe, elle-même nourrie par les différents cercles d’interactions (familles, ami·es, collègues, etc.) et les lieux d’influence (écoles, lieu de travail, espace public, etc.) de chacun·e. Ces deux piliers de la gouvernance que constitue la structuration et la culture sont unique pour chaque groupe de personnes réunies autour d’un projet commun et sont amenés à évoluer au fil de temps.

Le modèle de gouvernance « conventionnelle »

Dans la plupart des organisations collectives – associations, entreprises, etc. – la gouvernance pyramidale est la norme. Cela signifie qu’un·e individu·e se trouve à la tête de l’organisation (président·e, CEO ou autre) et a le dernier mot sur les décisions finales à impact. Il·elle désigne des responsables qui déterminent la meilleure façon de mener à bien les missions portées par les personnes inférieures sur l’échelle de décision, et ainsi de suite. L’idée ici n’est pas tant de dénoncer ce mode de fonctionnement – qui peut être efficace et viable dans bien des organisations – mais de considérer qu’il peut amener à certains écueils. Ainsi, il peut s’avérer pertinent de réfléchir des manières de « faire ensemble » autrement. L’un des écueils qui peut nourrir l’envie de sortir du modèle de la hiérarchie pyramidale est notamment le fait que la centralisation du pouvoir sur une personne puisse amener à des postures problématiques. En effet, face à l’adversité, le rôle et l’individu·e décisionnaire ont tendance à se confondre. Celui·celle-ci adoptera à son insu une posture tantôt de sauveur·se, tantôt de victime et/ou tantôt de bourreau. Au final, cela peut aller jusqu’à un point de rupture où le collectif se monte contre la « tête » bouc-émissaire.

Changer les règles du jeu

Il existe de nombreux exemples qui montrent qu’il est possible de tendre vers une gouvernance partagée. Citons notamment des modèles inspirants tels que la sociocratie ou l’holocracy. Ici, nous allons nous concentrer sur l’organe décisionnaire – la « tête » d’une organisation collective – sachant qu’il ne constitue qu’une partie du système de gouvernance. Un autre modèle d’organe décisionnaire alternatif encore peu connu et répandu est celui de la Direction Collégiale Volontaire (DCV). Les principes de base de la DCV sont simples et peuvent être synthétisés en trois points :

  • La DCV est ouverte à tous les membres de l’organisation qui ont envie de la rejoindre ;
  • En DCV, il n’existe pas de président·es (ou CEO, directeur·ice, etc.). Le groupe DCV est collectivement décisionnaire ;
  • Le « chapeau de la gouvernance » est partagé entre tous les membres de la DCV qui décident en s’appuyant sur le principe de consentement (aucune objection motivée par des arguments valables).

Rendu à ce stade de l’explication, il y a fort à parier qu’un message d’alerte émerge dans l’esprit du lecteur·ice. En effet, la DCV constitue un fonctionnement relativement « jusqu’au boutiste » en chemin vers une gouvernance partagée. Pour que celle-ci porte ses fruits, elle doit être développée progressivement et s’appuyer sur une acculturation continue des parties prenantes. Il est temps de revenir aux deux notions-piliers de la gouvernance précédemment évoquées : la structuration et la culture partagée. Pour qu’une DCV puisse constituer un modèle d’organe décisionnaire viable, les membres de l’organisation construisent un cadre de valeurs et de raisons d’être qui constitue un des éléments-clés de leur culture commune. Ce cadre doit être posé en prérequis mais aussi ancré et approprié par chacun·e. Ensuite, chaque membre doit être à même de cultiver une posture personnelle orientée vers l’écoute de toutes et tous, même les personnes qui ne sont pas au sein de la DCV. La communication et la transmission transparente des informations est aussi essentielle à la réussite de la DCV et du projet global. Enfin, quelque soit la structuration choisie, il reste indispensable de toujours porter un regard critique sur sa posture, la circulation de la parole, les jeux de pouvoir, etc. car la gouvernance partagée est un chemin sans fin !

Le Direction Collégiale Volontaire de L’Arbre

Le Tiers-lieu L’Arbre à Commes (14) est un espace écologique et de cohésion sociale proposant une programmation agri-culturelle tout au long de l’année. L’association à but non lucratif a été créée en 2020. En 2023, ce sont plus de 120 personnes qui participent à la vie du tiers-lieu. Inspiré par d’autres lieux et notamment la Brass’Vie à Jupilles, le Tiers-lieu L’Arbre utilise le fonctionnement en Direction Collégiale Volontaire. Le cadre de l’association se base sur des valeurs clairement affichées – le respect du Vivant, le partage, la bienveillance – et les raisons d’être de L’Arbre sont multiples mais majoritairement concentrées sur le développement d’un lieu proposant une programmation agri-culturelle et porté par et pour les citoyen·nes afin de leur permettre de participer activement à la vie de leur territoire. La DCV a fluctuée entre 7 et 10 personnes jusqu’alors. A L’Arbre, elle endosse quatre rôles :

  • suivre le budget, le modèle économique et les recherche de financement ;
  • garantir le respect des valeurs de l’association ;
  • coordonner les actions. Par exemple, c’est la Direction Collégiale Volontaire qui doit pouvoir dire à une branche de décaler un événement si celui-ci est prévu à une même date qu’un autre événement d’une autre branche ;
  • fournir une vision d’ensemble de l’Arbre

Choisir à quel jeu jouer

Dans bien des organisations, il peut être très pertinent de changer les règles du jeu de la gouvernance pour tendre vers un fonctionnement plus partagé. La Direction Collégiale Volontaire en constitue un exemple marquant et inspirant. Cependant, avant de se lancer dans telle ou telle structuration, il est essentiel de se questionner personnellement et collectivement. Voici quelques pistes de réflexion qui pourront peut-être vous aider à préciser la gouvernance adaptée pour vous et votre contexte :

  • INTENTION – Quelles intentions et envies nous animent dans notre manières de décider comment « faire ensemble » ?
  • CULTURE PARTAGÉE – A quoi ressemble nos interactions ? Où en sommes-nous dans notre maturité de coopération ? Quels sont les jeux de pouvoir actuels ? A quelle culture commune aspirons-nous et comment pouvons-nous travailler à l’incarner réellement ?
  • STRUCTURATION – A quoi est-ce que je/nous aspirons quant aux processus prises de décisions dans notre organisation ? Comment est-ce que la taille de mon organisation est prise en compte dans la gouvernance ?

Changer les règles du jeu apparaît indispensable pour répondre aux enjeux complexes auxquels nous devons répondre au sein de nos collectifs. Mais au-delà de vouloir bousculer nos schémas de gouvernance, ces évolutions doivent avant tout être nourries par la volonté de conscientiser davantage ce qui nous influence et nous anime individuellement et collectivement. Alors, à quel jeu avons-nous envie de jouer ?

Oriane Haelewyn pour le Tiers-lieu L’Arbre

3 « J'aime »

Merci @Oriane pour ce 1er message sur le Forum :clap: !
Non seulement celui-ci est documenté et en plus il y a une jolie synthèse en image :heart_eyes:. Je pense que ton article m’aurait été très utile il y a pas si longtemps. Dans la partie « Choisir à quel jeu jouer » je pense qu’une question autour des temporalités de chacun•e serait intéressent.
Je compléterais par une proposition tantôt !

1 « J'aime »

Sur la notion de temporalité de chacun j’ai le sentiment que ça touche la question de la nature de l’engagement ?

Il existe un petit format de facilitation que l’on aimerait tester un de ces jours. Je pense qu’il s’agit d’un outil communautaire qui doit rester visible et être modifié tous les trimestres environ ; https://openseriousgames.org/engagement-level-workshop/

Réduire la question des temporalités à l’engagement serait réduire le spectre de l’analyse.

Je pense avoir fait cette erreur par moment. Et pour aller plus loin dans l’auto-critique aussi car mon urgence (égo/peur) n’est pas celle des autres et donc de ma raison d’être. La facilitation permet de prendre en compte (personnalisation) l’ensemble des parties prenantes et de trouver l’équilibre de la communauté.

A contre pied et post réflexion, je pense qu’il ne faut pas oublier, les problèmes connexes qui freinent l’engagement :

  • financier (inflation, …) au niveau des personnes ou du foyer. (Priorité +++)
  • d’accessibilité aux informations et d’utilisation des outils numériques. Facture numérique (Priorité ++)
  • de formation et d’éducation populaire sur ce que c’est une asso, c’est différente forme d’engagement, son fonctionnement,…

Sans minimiser la question de l’engagement qui je pense est un point central, je pense que ton outil permet d’apporter des réponses à l’instant T car les engagements évoluent dans le temps en fonction des situations personnelles. L’outil est super, dommage que celui-ci est noyé dans la masse d’information. Merci pour la mise en lumière de cet outil :heart_eyes: #ludique #graphique #simple.

La réponse sur les outils disponibles : Catalogue ? Référencement des données ? Formation/Accompagnement/Animation ? Média ? … Il y a un peu de tout cela !

@Oriane ? Tu as eu connaissance de cet outil ? Tu ne voudrais pas tester et nous faire un retour d’expérience ? Comment aurais-tu pu trouver cet outil ?

Et si d’autres personnes ont des retours sur l’utilisation de cet outil je suis preneur. Et plus largement quand vous rencontrez une problématique d’un point de vue outil, où recherchez-vous ?

Ce qui me fait penser ceci : Avoir des présentations vidéo des outils c’est bien mais des témoignages, cas clients,… seraient bien plus pertinent.

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Par « cet outil » tu entends l’atelier des niveaux d’engagement c’est ça ? Je l’avais déjà vu passer oui. Je le trouves intéressant mais à pondérer car je pense qu’il peut avoir pas mal de biais dans son utilisation.

Je m’explique : dans mon expérience du collectif/gouvernance partagée, je vois des personnes qui pourraient être prêtes à se endosser les niveaux élevés d’engagement mais, question de caractère/humilité/etc., ne se positionneraient pas volontairement dans cette case lors d’un tel atelier. Cela risquerait même d’accentuer leurs doutes de légitimité/syndrôme de l’imposteur·ice.

Je le verrais plus comme un outil de réflexion perso que collective, sauf en cas de « crise de l’engagement » au sein du collectif peut-être. Bref, intéressant, je pense que je parlerai de cet outil dans notre prochain week-end apprenant « Faire ensemble » d’ailleurs mais en le pondérant avec ces quelques réflexions notamment.

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Oui au niveau de l’engagement !

Et voilà tu a remonté le point de friction/central « je vois des personnes qui pourraient être prêtes à se endosser les niveaux élevés d’engagement mais, question de caractère/humilité/etc., ne se positionneraient pas volontairement dans cette case lors d’un tel atelier. »

Un super résumé de ce que je pense mais que j’avais du mal à exprimer, écrire. C’est exactement comment je l’ai vécu d’un point de vue personnel. Merci :pray:

Et donc ? Comment y pallier ? Comment dire à l’autre qu’i/elle se trompe de niveau d’engagement en toute bienveillance ? Ma réponse à chaud serait : Je dis donc je fais. Je fais donc je décide. (poke CTL HDF :ok_hand:) . Je pourrais compléter via des facilitateurs autour de la psychologie, thérapie de groupe et autres mais je vais partir sur un champ beaucoup trop large ici. Néanmoins important à prendre en compte.

Pour ma part, j’y vois des réponses à travers ses deux sujets :

@Oriane effectivement je te rejoins sur ta conclusion « …un outil de réflexion perso que collective, sauf en cas de « crise de l’engagement,… »

Bonjour @Oriane
Merci pour ce fil de discussion inspirant

Je crois comprendre que la DCV que vous décrivez concerne les dirigeant.e.s bénévoles d’une association du CA.
Pensez-vous qu’elle soit applicable à une équipe de salarié.e.s ?

Bonjour Angèle,

Dans notre cas, les salarié.es font aussi partie de la DCV (nous sommes deux salariés) et cela me semble relativemment indispensable pour avoir de vrai échos du quotidien/terrain. Dans une structure de type entreprise classique, je pense que ça peut se considérer (même si le fonctionnement en sociocratie/holacratie avec un bureau ou une direction élu/désignée me paraît plus adapté alors) mais je ne connais pas de retours d’expérience là-dessus. L’échelle de l’organisation joue beaucoup sur la réussite de la chose alors, je pense.