Bonjour à toutes et à tous,
Super toutes ces contributions de qualité ! Je peux tenter de compléter en parlant de mon point de vue qui n’engage ni l’ANTL (dont je suis administrateur), ni le réseau régional que je co-coordonne A+ c’est mieux ! ni le tiers-lieu auquel je contribue La Tréso (labellisé Fabriques de T).
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Le programme Fabrique de Territoire a été lancé avec un processus inverse de ce que font et prônent les tiers-lieux : une opportunité politique très incarnée, peu de prises de considération des dynamiques existantes (malgré les rapports les analysant) et de leurs visions/méthodes, un manque d’écoute de l’écosystème dans son besoin préalable ou en synchrone d’une structuration solide à l’échelle régionale, intermédiaire entre l’Etat/échelle nationale et les tiers-lieux locaux, permettant de lier les dynamiques entre elles, de travailler ensemble plutôt qu’en concurrence, d’avoir des facilitateur·rices support et de la représentation à cette échelle (nécessaires quand on a la tête dans le guidon sur son territoire). Il y a aussi eu un saupoudrage territorial assez flagrant (ayant participé à un des jurys) où la qualité du projet pouvait passer après la nécessité de couvrir une zone non pourvue en « Fabriques » labellisées ou après un soutien politique fort (projets avec la capacité de faire du lobbying à l’échelle nationale, difficile pour un tiers-lieu citoyen qui se démène sur son territoire…).
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On a réussi à compenser ces manques au fil de l’eau mais la confiance entre l’écosystème et l’Etat aurait été bien meilleure dès le départ s’il y avait eu une vraie écoute et implication de ceux qui charbonnaient depuis quelques années / décennies pour certains sur le sujet. Gros espoir donc que la remontée à l’Etat des résultats de ce débat soit lu et bien entendu.
Pour en venir à la continuité de ce programme d’Etat de soutien aux tiers-lieux :
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Le terme « Fabrique de Territoire » a pu créer de la confusion avec la notion de tiers-lieux déjà pas simple à appréhender, de même que pour le terme "Manufactures de Proximité » avec les ateliers partagés / fablabs… Donc pourquoi pas utiliser tout simplement la notion de tiers-lieux et ateliers partagés plutôt que de « packager » un nouveau terme qui sort de nul part. Et bien-sûr ne pas créer de dynamiques d’animation à côté de l’écosystème se fédérant et organisant son animation, créant de la confusion et un système à 2 vitesses (les labellisés et le « reste du monde »…).
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En finançant de l’exploitation non affectée (ou peu affectée), le programme Fabriques a été une véritable bouffée d’air pour des tiers-lieux faisant déjà depuis de longues années un travail de médiation territoriale / sociale, de mixité/inclusion au sein de l’espace, d’animation de gouvernance partagée, de documentation, de soutien à des ressources mutualisées, etc. Et c’est bien là son apport principal, le financement d’exploitation étant de + en + rare. A La Tréso, nous avons créé un consortium avec CASACO, tiers-lieu complémentaire à proximité, et nous avons intégré ces 50k € / an dans notre budget pour appuyer des tarifs sociaux facilitant la mixité sociale, de l’animation avec/entre acteurs territoriaux (débouchant sur des projets concrets), de l’animation de la vie coopérative, des formats de débats citoyens, etc qui avant été réalisés bénévolement, avec du burn-out à la clé.
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Après les phases de financement du contenant, les tiers-lieux ont désespérément besoin de financement pour le contenu ! (ce qu’on répète à tous les financeurs/institutions voulant absolument financer de nouveaux tiers-lieux en investissement). Donc sur cette continuité de programme de politique publique, il faudrait continuer à financer en exploitation les tiers-lieux labellisés ayant prouvé leur utilité territoriale et leur animation territoriale (50% ?), financer des tiers-lieux existants non labellisés (et non des projets non éclos, il y a suffisamment de tiers-lieux qui survivent au quotidien !) qui auraient déjà prouvés leur utilité territoriale (30% ?). Mais il faudrait aussi financer des contenus / ressources partagées entre tiers-lieux (20% ?). Cela pourrait permettre de financer des outils partagés mais aussi et surtout des humains pour mutualiser sur des fonctions supports et donner une réponse à l’épuisement professionnel lié à l’extrême polyvalence subi et l’isolement des travailleurs de tiers-lieux. On parle souvent de médiateur social/culturel/territorial, régisseur, chargé de coopération, communication, commercialisation qui seraient partagés entre plusieurs lieux…
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Sur le processus, tout à fait en phase avec l’idée d’un appel à communs @SimonSarazin donnant de la visibilité aux projets avant leur sélection, permettant la mise en coopération, utilisant mieux les outils numériques pour le suivi, facilitant la transparence dans le processus… En cohérence avec notre culture tiers-lieu.
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Des phases d’accompagnement préalable comme avec les Manufactures de Proximité sont intéressantes et pourraient être conservés. Mais sans la longue attente de versement de subvention que la plupart des Manufactures ont eu l’air de subir…
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Il me semble fondamental de décentraliser la mise en oeuvre de ce programme. Cela a pu être testé sur DEFFINOV, avec plus ou moins de succès, mais cela a au moins eu le mérite de poser un cadre de coopération entre des agents publics régionaux et des représentants de réseaux régionaux. Nous avons besoin d’une plus grande proximité dans la mise en place de politique publique, et d’adaptation des programmes à chaque réalité et besoins territoriaux.
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Si jury il y a, bien-sûr associer les nombreuses parties prenantes de l’écosystème, au-delà de la puissance publique, aussi dans l’ESS, l’éducation populaire, la culture, les syndicats (si on parle amélioration du travail…)…
Les attentions à conserver sur ce programme mais aussi pour la politique publique des tiers-lieux en général :
- Financer des humains, pas seulement des machines et des murs
- Financer du contenu plus que les contenants !
- Faire confiance aux représentants de l’écosystème qui intègrent l’intérêt collectif et l’intérêt général, dans leurs propres configurations non lucratives et démocratiques (en majorité)
- Envisager des adaptations des programmes à l’échelle de chaque région, en lien avec les acteurs sur cette échelle
- Ne pas déshabiller les collectivités locales pour redonner aux tiers-lieux, ne pas fermer des services publics de proximité pour après y « réinstaller" des « tiers-lieux ».
- Ne pas donner toutes les responsabilités du mieux-être de la société française aux tiers-lieux (qui sont donc majoritairement accepté dans l’écosystème comme étant "des espaces de sociabilité d’initiative citoyenne, où une communauté peut se rencontrer, se réunir, échanger et partager ressources, compétences et savoirs »).
Et je compléterais certainement, pas eu le temps d’aller plus loin… Merci pour ce débat en tout cas et hâte de lire vos contributions !