Rhôlala camarade, c’est bien mal me connaître que de penser que je souhaite attribuer la paternité des tiers-lieux à FTL - c’est plutôt Noé à mon avis avec son arche (là on remplacerait les animaux par le nombre d’activités et de fonctions à mettre dans les T-L: c’est l’arche du service public) - et encore plus (mal me connaître) que d’inférer de ce que je dis qu’il faudrait « fonctionnariser les T-L ». Sans parler du fait que mon propos ne contredisait à aucun moment ce que nous raconte le camarade Simon, à moins que je ne l’ai mal compris ou que tu aies mal compris ma « matière humaine » (qui en a besoin de beaucoup plus pour être heurtée, ne t’inquiète donc pas, la fabrication roumaine est solide de ce côté là)
D’ailleurs, je pense que c’est l’option que tout le monde réfute ou redoute, je pense plutôt qu’il y a une bonne partie de l’écosystème (que je ne nommerai pas) qui souhaite consciemment ou involontairement (et là c’est pire) parvenir à produire (ou rendre, à voir le terme qui convient le mieux) un service public moins cher et surtout en se passant de fonctionnaires.
En ce qui me concerne, ce n’est pas l’amour de l’état National (et souvent, juste en dessous, nationaliste) qui m’étouffe, ceci dit, l’importance de la protection juridique spécifique de ceux qui sont les garants de la défense en dernier recours de l’intérêt général (et non pas de l’intérêt collectif, plus réduit) me paraît une nécessité juridique incontournable. Je veux dire que le jour où par exemple les juges pourront être menacés au moindre changement de gouvernement en raison des décisions qu’ils auront prises pendant le précédent gouvernement, et bien on n’aura plus de justice indépendante dans ce pays et ce sera bien dommage (demandons aux juges afghans ce qu’ils en pensent en ce moment).
Donc non à la fonctionnarisation (quel slogan my god) mais attention, à déléguer la réalisation des services publics à n’importe qui (Rémi Gaillard, où es-tu?) et sous n’importe quelle forme, on se lance dans un processus super expérimental qui risque au final de coûter beaucoup mais dont l’essentiel des coûts sera invisibilisé, parce que les gens de bonne volonté comme nous mettront des années à égaliser leurs conditions de fonctionnement en étant payés des miettes (et en passant beaucoup de temps à réduire les malentendus comme celui-ci) pendant que les plus malins profiteront de la confusion engendrée pour s’en mettre plein les fouilles - et là ne suivez pas mon regard, il ne s’affiche pas sur l’écran, heureusement.
Je m’explique : de toute manière on a déjà réduit pas mal les coûts des services publics (en fait, on a réduit les services publics) depuis 40 ans au moins (vive le Socialisme à la française). Le hic, c’est que ça commence à se voir, et vachement. ça se voit tellement qu’il y a un paquet de gens bien intentionnés comme nous qui se mettent à essayer de bricoler des solutions pour faire face et limiter les dommages. Une fois que ces gens là existent et ont commencé à travailler et à produire des solutions, c’est super, on peut s’appuyer sur eux pour bricoler qqchose, jusqu’ici l’intention est bonne et partagée par tout le monde (mais attention, comme on dit, l’enfer en est pavé…).
Le souci, c’est que le service public, c’est pas un truc super aisé à produire, parce qu’il implique l’égalité d’accès, l’inaliénabilité des ressources, l’égalité de traitement des agents, enfin, tout un tas de principes inscrits dans la Constitution que le camarade @Olivier Jaspart pourra détailler bien mieux que moi, étant spécialiste de la chose. Et il me semble que l’existence d’un Service Public (idéalement adossé à une instance politique de niveau mondial et non national) est une condition indépassable pour permettre l’émancipation des individus de ce qui les détermine en 1e, leur situation de naissance (donc, leur héritage).
Et donc ce qu’il manque à l’écosystème des T-L (une des choses qui lui manquent, en fait), c’est de mettre en place les conditions de constitutionnalité (pour le dire vite) des services rendus (genre le même niveau d’éducation pour tous et partout), ce qui permettra aux subventions dirigées dans ce sens d’être légitimes. Le truc est d’autant plus tricky s’il se mélange (et c’est le cas) avec des activités qui relèvent plus de l’intérêt individuel. Le marché n’a jamais garanti plus efficacement que les règles publiques l’égalité d’accès à l’éducation - même si j’en conviens, niveau égalité d’accès, on n’est pas terrible non plus là.
Un ensemble de problématiques de ce genre s’est posé à la fin du 19e siècle avec la construction des grandes infrastructures de transport (canaux, voies de chemin de fer…) et je n’évoquerai pas les conditions de travail des ouvriers qui les ont réalisées mais seulement le fait qu’elles ont servi plus tard à la mise en place d’un service public de la mobilité mais en 1e lieu à la rentabilité de mines, d’usines, etc. Je ne cite pas cet exemple pour m’y opposer, je pense au contraire qu’il y a peut-être des choses utiles à en tirer mais aussi des choses terribles à éviter de reproduire (les conditions de travail évoquées plus haut).
Donc pour finir sur cet éclaircissement, non, les t-l ne sont pas une fin en soi, et il serait sage d’arrêter d’essayer de les définir autrement qu’un processus et de se bagarrer pour la paternité de la notion. Ils sont le produit du peuple qui cherche à améliorer ses conditions d’existence. Mais. Il n’est jamais garanti qu’un individu ou un groupe d’individus cherche et parvienne à améliorer ses conditions d’existence sans que ce soit au détriment des autres. C’est pourquoi, si les t-l veulent être des lieux « pour tous », il faut qu’ils veillent à faire ensemble, et donc avant tout à garantir que dans les efforts entrepris pour améliorer la situation, ces efforts ne profitent pas à certains plus qu’à d’autres.
Pour l’instant, on est une petite galaxie de gens qui se connaissent plus ou moins et qui sont plus ou moins aimantés par cette volonté (et, sans chanter les louanges de la puissance publique, il faut tout de même reconnaitre que sa puissance d’action aura permis à un concept un peu confidentiel - pas la peine d’en rappeler l’antériorité, on trainait tous par là dans ces années là - de devenir un concept « médiatique » pour le meilleur et sans doute aussi le pire). Mais ça ne suffit pas, et en l’état, on manque cruellement et des moyens matériels et humains et de la légitimité pour construire l’écosystème des TL comme des véritables intervenants dans la réalisation équitable de services publics.
Il faut donc être très vigilants collectivement à cette question, et en cela mon propos rejoignait entièrement les propositions du camarade @simons avec une dernière remarque, c’est pas très élégant de mettre « fablab » sur la même ligne de niveau que « coworking » au vu des efforts entrepris collectivement par la communauté des makers ces dernières années en direction de la réalisation de cet écosystème de « contributeurs plus ou moins occasionnels des services publics ».
Voici donc une petite vibration en retour de ma matière humaine qui est certes inégalement répartie sur tout mon corps, mais je promets, je vais me mettre au fitness tiers-corps dès que possible