Cher Conseil d’Administration, Chère Marie - Laure,
Cher.ère.s ami.e.s,
Nous allons intégrer un GIP. De ce fait, nous allons assumer une responsabilité dans l’élaboration d’une politique publique sur le sujet qui nous concerne : les Tiers-lieux.
A ce titre, la nature des relations entre l’ANTL et ses membres a profondément changé de nature à compter des premières modifications de statuts en mars dernier.
Nous avons tâché d’alerter l’association FTL sur trois points qui ne nous paraissent pas être réglés par les statuts tels qu’ils seront soumis au vote à l’AGE du 22 juin :
-
le problème de la représentativité ;
-
la question des ressources humaines ;
-
les risques de conflit d’intérêt.
1 Le problème de la représentativité
En tant que membre d’un GIP et donc co-responsable de l’élaboration d’une politique publique concernant l’ensemble des Tiers-lieux sur le territoire national, l’association se devra d’être représentative. Or, les statuts tels que soumis au vote ne nous paraissent pas à même de répondre à cet enjeu. Sont problématiques :
- la création d’un « collège fondateur » et d’un « collège multisite » ;
- l’absence de précision sur les arbitrages liés à la part des voix revenant à chaque collège.
Analyse :
1.1 Le collège des membres fondateurs de la future ANTL est ainsi défini dans la proposition de statuts : « Personnes physiques membres du conseil d’administration de l’association de préfiguration ».
Or, dans les statuts de l’association de préfiguration, toujours en vigueur aujourd’hui, on peut lire :
« L’association est administrée par un conseil d’administration (CA) créé par les membres fondateurs.
- le président, Patrick Levy-Waitz ;
- la trésorière, Cécile Galoselva ;
- la secrétaire générale, Marie-Laure Cuvelier.
Ils déposent les premiers statuts et administrent l’association jusqu’à l’installation du conseil d’administration (CA). »
Ainsi, le futur collège des membres fondateurs reconduira en son sein sans vote ni limitation de mandat, des personnes n’ayant jamais été élues par les membres de l’association, mais ayant été cooptés par un bureau qui s’était lui-même auto-désigné dans des statuts.
Il pourra néanmoins envoyer jusqu’à six de ses membres au CA (qui en compte de 15 à 23, ce qui représente donc de 25 à 30% des membres du CA), et aura 15% des voix à l’Assemblée. L’argument avancé par le CA en question selon lequel ce collège est fait pour « protéger l’association de l’entrisme » et qu’il aurait « vocation à s’auto-dissoudre » paraît curieux rapporté à l’idée 1) qu’il eut été facile de prévoir des mesures d’approbation des nouveaux membres pour réguler les risques d’entrisme (ce qui n’est pas le cas) ; 2) que les futurs membres de ce collège ne sont pas eux-mêmes assis sur une légitimité démocratique, n’ayant jamais été élu.e.s ; 3) qu’il eut été logique et aisé d’inclure une clause de dissolution de ce collège dans lesdits statuts, si tel était sa vocation.
1.2 Aujourd’hui, à notre connaissance, il n’y a que trois membres de l’association qui peuvent prétendre participer au collège des dit « multi-sites » : MOJO, Make ici, ETIC.
Ils ont pourtant 15% des parts de vote. Ils avancent comme argument sur le forum du GT gouvernance qu’ils pourront étoffer leur rang, citant l’éventualité d’accueillir les membres suivants : Sinny & Ooko, Plateau Urbain, Yes We camp, Scintillo / Groupe SOS, Villages AFPA, Remix Coworking etc…
Nous sommes nombreux à considérer ces candidatures au moins problématiques quant aux valeurs et principes du « faire tiers-lieux », telles qu’elles ont été définies par les initiateurs historiques du mouvement (cf movilab, par ex. ici).
1.3 L’essentiel des membres de l’association a vocation à intégrer le collège Tiers-lieux. Ce collège le mieux peuplé n’aura pourtant que 25% des voix.
1.4 Le collège des réseaux thématiques, qui sont des réseaux nationaux représentant de très nombreux lieux, n’auront quant à eux que 15% des voix. Par contre, ils paieront des droits d’entrée beaucoup plus élevés que tous les autres. A titre d’exemple, la CNLII, une communauté informelle sans financement publique, devra s’acquitter, au titre des 250 tiers-lieux qu’elles représentent, d’un montant de 2500€ de droit d’entrée (contre 1000 maximum pour une société privée franchisant du tiers-lieux via le collège multi-sites).
2 Le problème des ressources humaines
L’ANTL mettra à disposition l’ensemble de ses salariés au GIP à titre de contribution, quand lesdits salariés sont intégralement financés par les ministères présents au GIP. Ce montage pose un problème d’indépendance de l’association et de circularité du financement. Elle expose les salarié.es à des conflits de subordination.
3 Les risques de conflit d’intérêt
L’association s’est historiquement construite sur la base de la cooptation. Ce schéma légitime pour une association ordinaire devient inacceptable pour une association ayant une mission de co-construction et d’animation d’une politique publique, puisqu’elle substitue à l’intérêt général l’intérêt de quelques-uns. Au contraire, seuls des critères clairs de condition d’adhésion des membres et de construction démocratique de la vie de l’association peuvent assurer la mise en place d’une représentativité de l’association. Ils sont pour l’instant absents des statuts.
Conclusion :
L’intérêt supérieur de notre communauté, mais aussi le service que celle-ci peut rendre au titre de l’intérêt général, dépend de la clarté de nos échanges et d’une réelle rigueur démocratique d’acceptation du débat contradictoire.
Nous constatons, à regret, que les réponses du Bureau et du Conseil d’administration ne répondent pas à nos interpellations sur le fond. Or c’est sur le fond qu’il nous apparait essentiel d’avoir un débat aujourd’hui, de manière responsable, entre acteurs et réseaux des tiers-lieux.
Ce n’est pas d’une AGE de modification des statuts dont nous avons besoin, mais d’une assemblée constituante qui jusqu’à aujourd’hui fait défaut à notre association.
Pour toutes ces raisons, nous réitérons notre demande d’ajout d’un point à l’ordre du jour de l’AGE du 22 juin, pour voter un report de l’adoption des nouveaux statuts et permettre au débat de se tenir sur tous ces sujets, entre l’ensemble des membres de l’association. C’était tout le sens du courrier que nous avons adressé comme il est d’usage au siège de l’association, par voie postale. Nous regrettons que cette demande ait été rejetée par le CA.
Monsieur le Président nous retourne deux arguments pour justifier ce refus. Le premier est juridique : il n’y a pas d’obligations légales à accepter une modification de l’ODJ demandée par un des membres, 15 jours à l’avance. Certes, mais c’est l’usage ! Et que penser de la vie démocratique d’une association dans laquelle une AGE de modification des statuts a lieu en distanciel, sans débat, avec un ODJ exclusivement rédigé par le CA ? Le deuxième, c’est l’urgence : il serait nécessaire d’adopter ces statuts parce que le 19 aout, la période de préfiguration de l’association arrive à son terme. Dans les statuts actuels de l’association, il est pourtant prévu un trimestre supplémentaire après le 19 aout pour prendre ces décisions : « Le conseil d’administration de l’association décidera dans le trimestre suivant les 36 mois de préfiguration de la suite à donner à l’association. »
Rien ne nous empêche donc de surseoir au vote pour prendre le temps du débat, plutôt que de valider des statuts insatisfaisants sans schéma alternatif, sous la pression de l’urgence et dans une position des instances dirigeantes de l’association qui, en refusant le débat a priori au sein de l’assemblée, réduit son rôle à celui d’une simple caisse enregistreuse.
Salutations distinguées,
Pour la collégiale d’Artfactories/autresparts,
en concertation avec Alliss et Sokori
Joel Lécussan, Délégué
PS : Nous remettons pour mémoire les deux points dont nous avons demandé l’ajout à l’ODJ en copie.
Résolution n°1 :
« Après en avoir discuté, l’AGE sursoit à la mise au vote des documents proposés (nouveaux statuts et règlement intérieur) et reporte à l’automne 2022 la mise au vote sur la base de la présentation des différentes options qui ont été portées à la connaissance des groupes de travail et des instances de l’association.
Pour, contre, abstention, ne prend pas part au vote »
Résolution n°2 :
« Après en avoir discuté, et compte-tenu du fait que les actuels statuts transitoires permettent d’ores et déjà la participation de l’ANTL au GIP « France Tiers Lieux » dont la convention constitutive a été approuvée par décret gouvernemental le 14 avril 2022, l’AGE propose la mise en place d’une commission pluraliste chargée d’élaborer la liste des 5 personnes représentant l’ANTL au sein du GIP « France Tiers Lieux », et ce pour un mandat d’une durée de un an, liste qui devra être approuvée par une assemblée générale dédiée.
Pour, contre, abstention, ne prend pas part au vote ».